Depuis toujours, la gastronomie connaît une évolution constante et surprenante. Nous avons tous remarqué comment certains plats autrefois considérés comme “plats de pauvres” ont peu à peu gagné en notoriété pour finalement être présent parmi les délices incontournables lors de fêtes ou de réunion de famille. Je vous propose aujourd’hui de partir à la découverte de quelque mets qui ont su conquérir nos tables d’aujourd’hui.
Le canelé, un petit bijou bordelais
Qui aurait cru que cette petite pâtisserie originaire de Bordeaux serait un jour servie dans les salons de thé les plus huppés ? Le canelé, dont la recette date du XVIIe siècle, était alors confectionné avec les restes de farine et d’œufs donnés par les boulangers aux religieuses du convent les Annonciades. Ces dernières étaient chargées de nourrir les pauvres et les orphelins. Ce n’est qu’au XXe siècle que ce gâteau a été amélioré par des professionnels, arborant fièrement, aujourd’hui, sa robe croustillante et son cœur fondant et s’est vu propulsé sur le devant de la scène gastronomique.
L’histoire raconte que le canelé aurait connu ses premières lettres de noblesse grâce à l’exposition universelle de 1937, où il a été présenté comme une spécialité bordelaise. Mais ce n’est qu’à partir des années 1950 que les artisans du quartier, tels que le pâtissier Maresquier, ont commencé à perfectionner la recette et à la partager avec les autres régions de France. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer une visite à Bordeaux sans déguster cette irrésistible douceur !
Le caviar, quand l’excellence se cache dans la simplicité
Il est souvent dit que le luxe se niche parfois dans les choses les plus simples. C’est exactement ce que j’ai ressenti lorsque je me suis penché pour la première fois sur l’histoire du caviar. Autrefois considérées comme un aliment de subsistance pour les pêcheurs russes et iraniens, ces petites perles noires étaient aussi consommées de manière courante en Europe jusqu’au XIXe siècle. Nul ne pouvait alors s’imaginer le destin glorieux qui attendait cet humble produit de la mer.
C’est grâce aux grands chefs français et à leur génie culinaire que le caviar a vu son image de plats du pauvre transformée à jamais. En effet, dès le début du XXe siècle, ils ont rapidement compris l’extraordinaire potentiel de cet ingrédient et ont su l’intégrer à leurs créations, lui offrant ainsi une nouvelle dimension gastronomique. Au fil des années, le caviar est devenu le symbole ultime du raffinement et de l’élégance, attirant les plus grandes personnalités de ce monde et étant servi lors des plus prestigieuses réceptions. De nos jours, le prix du caviar peut atteindre la somme astronomique de 12 000 euros le kilo !
Le Homard le plat du pauvre devenu un met raffiné
Le Homard est servi dans les plats de fêtes. Les différents chefs aujourd’hui ont compris l’intérêt de cuisiner ce crustacé et le proposent régulièrement dans la carte des restaurants les plus prestigieux. Mais le homard n’a pas toujours connu ce succès.
À l’origine, le homard était bel est bien un plat du plauvre, présent partout sur la côte atlantique et en très grande quantité. Les stocks semblaient inépuisables. Il était tellement abondant qu’on pouvait limite en avoir gratuitement. Au XVIIe – XVIIIe siècle, on surnommait ce crustacé le “cafard de la mer”.
Pour se rendre de compte à tel point, le homard était considéré comme de la “junk food”, on le servait à des prisonniers ou à des servantes. Mais il faut dire qu’à cette époque, on le cuisinait mort, ce qui rendait le goût et les saveurs du homard, et il faut le dire, dégueulasse.
Puis un jour, on a commencé à proposer des plats de homard dans un train, qui traversait le pays d’est en ouest. Le plat n’était pas cher et, était cuisiné convenablement, a su conquérir les palais des voyageurs. C’est à ce moment-là qu’il y a eu un virage marketing autour de ce produit. Aujourd’hui, le homard est surpêché, victime de son succès.
Les exemples de plats du pauvre ne manquent pas !
D’autres plats du pauvre pourraient également illustrer cette fascinante métamorphose culinaire. En voici quelques exemples :
- Le foie gras, autrefois très commun dans certaines régions, notamment le Sud-Ouest de la France, et largement démocratisé depuis l’époque moderne grâce au développement du tourisme gastronomique. Ce plat trouve son origine à l’époque des égyptiens, qui a développé la technique de gavage après avoir observé les oies sauvages. Aujourd’hui, nous trouvons le foie gras sur toutes les tables de fête et dans la cuisine traditionnelle du sud-ouest.
- Les truffes noires ont été délaissées pendant des siècles par nos ancêtres qui les jugeaient peu ragoutantes et ont été même interdit dans les tables, certain considérant ce champignon démoniaque et empoisonnée. François 1er a été le premier à en consommer de nouveau puis de plus en plus. La truffe noire n’est plus considérée comme un ingrédient maléfique, au contraire, c’est devenu un diamant noir, qui le hisse désormais au rang de véritables trésors gustatifs.
- La Bouillabaisse était une soupe de pêcheur composé de poissons invendus et de poissons de roche. Il était cuit avec l’eau de mer et réconfortait les pêcheurs après une dure journée de travail. Aujourd’hui, il est servi comme un plat haut de gamme. Vous ne trouverez pas la véritable bouillabaisse à moins de 50 euros.
- Le cassoulet, plat emblématique du sud-ouest de la France, trouve ses origines dans la cuisine paysanne. La légende voudrait que ça soit un mélange simple et nourrissant de haricots et de restes de viande, pour nourrir les soldats lors de la guerre de 100 ans à Castelnaudary. Au fil du temps, il s’est transformé en un mets raffiné, incorporant des ingrédients de qualité comme la saucisse de Toulouse, le confit de canard, et souvent agrémenté d’épices et d’herbes, reflétant ainsi l’évolution des goûts et du statut social.
Comme vous pouvez le constater, des plats du pauvre initialement destinés à sustenter les plus démunis finissent par séduire les plus exigeants ou les plus riches. Alors, quel sera le ou les prochains “plats du pauvre” à devenir un incontournable pour les fines bouches ? L’avenir nous le dira sans aucun doute !